La mouche

La mouche


Non, je ne vais pas vous parler du film de Cronenberg mais plutôt d'un
traumatisme plus réel issu de la cohabitation avec cet horripilant
insecte qui en plus d'être relativement moche peut être à lui seul la
synthèse ultime du cassage de couilles.


Hier matin, alors que toutes les conditions requises à la grasse
matinée étaient présentes, une de ces petites saloperies s'est
introduite dans ma chambre, sonnant le coup d'envoi d'un combat
passionnant entre l'homme essayant de s'accrocher à ses demi-songes (le
meilleur moment de ma nuit au passage) et l'insecte l'ayant décidé
manifestement autrement.

Ce genre de lutte à mort se passe généralement en cinq étapes:


la première où l'homme essaye de se concentrer sur autre chose que le
vrombissement des ailes de l'insecte (avec un succès tout relatif, il
faut bien l'avouer),

la deuxième où l'insecte, comprenant que
son horripilant battement d'aile ne suffira pas à briser les images de
nymphes se baignant dans du Mojito de l'esprit de l'homme, décide de se
poser sur lui à intervalle raisonnable de toutes les deux secondes et
demie.

la troisième marque la prise de conscience de l'homme
que ses brassages d'air afin d'écraser l'insecte sont un peu trop lents
pour inquiéter tout ce qui est plus rapide qu' un escargot blessé et
qu'il serait préférable d'adopter la technique dite du "cocon" et de
s'envelopper dans sa couette afin de ne plus subir les assauts aériens
répétés.

la quatrième étape survient à tout casser deux minutes
après, quand on se rend compte que les grasses matinées en juillet sont
chaudes et qu'à rester sous la couette, on risque la mort par
déshydratation.

la cinquième étape est basé sur une série
d'insultes mouchophobes particulièrement violentes à mesure que l'esprit
comprend qu'il est dans une faille métaphysique qu'il ne pourra jamais
résoudre.

C'est après cette cinquième étape particulièrement
douloureuse que j'ai craqué et me suis transformé en tueur, allongé sur
le dos, toute trace de songe s'éloignant à mesure que grandissait ma
haine, attendant l'occasion de frapper, lançant répliques historiques et
chants guerriers tel que "viens ta mère!" ou "je vais te faire exploser le caisson"
les sens aux aguets...

Vrombissement... insultes... Vrombissements... Insultes... bras d'honneur de la mouche en se posant sur mon ventre...

Regard de haine... Excitation des deux protagonistes ("son rêve est niqué" pour la mouche "elle est a portée" pour moi)

J'avertis le lecteur que la suite est réservée à un public avertit.


La frappe fut fulgurante, accompagnée d'un léger pontage pour accélérer
encore l'impact inéluctable, l'insecte était vaincu, c'est donc un
sourire de vainqueur aux lèvres, une trace noirâtre faite de pattes et
d'abdomen écrasés sur le ventre que je me rendais triomphalement à la
cuisine me faire un café, déçu d'avoir abandonné mes songes mais heureux
d'avoir puni le coupable...